10 mars 2010

Du cacao ô sensations!!


Aimez-vous le chocolat?
"Neuf personne sur dix aiment le chocolat, la dixième ment" 
(John G. Tullius, artiste et auteur de BD américain)



Il y a deux semaines, je faisais exploser mes papilles avec une approche sensorielle sur le chocolat. Du "Chocolat plein la cabosse", c'est le thème de l'exposition située au coeur du Jardin Botanique de Bordeaux (visible jusqu'au 30 mai 2010).

En marge de ce parcours initiatique, certains week-end ont permis à quelques chanceux de découvrir gratuitement des savoir-faire et des produits finis des artisans de la filière. Le samedi 27 février, notre petit groupe de téméraires (au vu du mauvais temps dehors) s'est installé dans la petite salle de conférence, pour suivre avec passion les explications animées du chocolatier toulousain, Jean-Pierre Dujon Lombard, de la maison Criollo chocolatier (12 rue du Rempart-Matabiau - 31000 TOULOUSE ; Tél : 05 61 21 48 88).

Cette expérience gustative a été riche de sensations, d'échanges et de re-découvertes.

 
Entrez! C'est ouvert!



A l'origine, le cacao
Petite piqûre de rappel : issu du cacaoyer, le cacao puise ses origines sur le continent central américain (au niveau du bassin amazonien) et au Mexique (presqu'île de Yucatan). 

La récolte a lieu à juste maturité (en fonction de la couleur et du son de la cabosse).

Christophe Colomb fut le premier européen à découvrir le cacao en juillet 1502 sur la petite île de Guanaja (actuel Honduras), mais il n'attacha aucune importance à ces "amandes". En 1519, Hernán Cortès débarque au Mexique et entreprend la conquête du pays. Cinq ans plus tard, il expédia à Charles Quint une cargaison de fèves de cacao. A cet époque le monopole demeure espagnol.

A la fin XIXe, la moitié de la demande totale en cacao est produite par le Vénézuela.

Les conditions atmosphériques idéales justifient une implantation dominante le long de la zone équatoriale (climat humide, ombragé et chaud avec température moyenne  de 25 ° C, altitude de 400 à 600 mètres).
Actuellement la culture du cacao est répartie sur l'Afrique, l'Asie et l'Amérique du sud dont
11 % au Brésil. 60 % des cultures sont en Afrique dont le leader incontesté est la Côte d'Ivoire.

Différentes étapes : de la fève au chocolat, un procédé long et complexe

- Plantation
- Récolte
- Ecabossage (ouverture des cabosses, retrait des graines et substance)
- Fermentation
- Séchage (naturel en plein air ou artificiel en intérieur)
- Calibrage/Expédition
- Nettoyage
- Torréfaction
- Concassage
- Assemblage
- Broyage/Pétrissage/Raffinage
- Conchage*
- Tempérage
- Moulage
- Fabrication

Le conchage* est l'étape ultime de fabrication du chocolat, durant laquelle il se fluidifie par brassage mécanique dans des cuves (des heures durant) et où l'on rajoute le beure de cacao, le sucre et le lait éventuel. Il permet de faire ressortir la saveur des arômes, de réduire l'acidité et contenir l'humidité.

 
Il existe 3 types de cacao 
[Crédit photos - site Foudechocolat.com] 



Les Criollos ("créole", en espagnol)
Cacao fin, aromatique, chaleureux et long en bouche
Cacaoyers fragiles, originaires du Venezuela, on les trouve au Mexique, en Amérique Centrale, aux Antilles, en Colombie, Trinidad, Equateur, Cameroun.
Entre 1% et 5% de la production mondiale. 


 
Les Forasteros
Amertume aux notes acides, goût puissant et court
Cacoyers robustes, originaires  de l'Amazonie, cultivé en Afrique, Equateur et Brésil.  Entre 80% et 90% de la production mondiale.



  


Les Trinitarios
Cacao corsé et long en bouche
Hybride des autres cacaos, suite à une catastrophe naturelle, plus résistant que le Criollo. Le cacao "Nacional", d’Equateur, réputé et très rare (moins de 0,5%) se caractérise par sa fine saveur « Ariba ». Cultivé sur les mêmes terres que le Criollo et dans quelques-unes d’Asie du Sud-Est. Entre 10% et 20% de la production mondiale.
  








***

Après un rapide passage en revue sur l'histoire du cacao (berceau, exportation, principaux pays producteurs), pour donner le ton, nous entrons très vite en matière avec des dégustations successives de différents grués de cacao.

Avant cela, je n'avais entendu parler de "grué". Vous connaissez ? 

Le grué se compose d'éclats de fèves de cacao torréfiées. Après avoir été nettoyées, (étape 4) les fèves sont torréfiées (comme pour le café), afin de faire ressortir les propriétés premières du cacao, de réduire leur humidité et de faciliter la séparation ultérieure entre la coque et l'amande. Intervient ensuite le procédé de concassage qui finalise la dissociation  entre la coque et le grué, en faisant éclater les fèves (sans en extraire pour autant leur matière grasse). On appelle donc "grué", le cacao concassé, débarrassé de ses enveloppes naturelles.
Premières dégustations :  du grué aux origines diverses
Là, il faut bien admettre que nous avons un peu servis de cobayes, car  il n'est pas courant de consommer du chocolat sous cette forme (peut-être parce ce que ce n'est justement pas encore du chocolat!).  L'idée est de s'imprégner des saveurs en bouche, de la texture et du déploiement des arômes. On comprendra aisément que le "j'aime" - j"aime pas" n'a  grande importance ici, car nous cherchons avant tout des sensations et des émotions.

Grué - origine Madagascar : couleur terre de sienne (rouge), notes de cacao acides.

Grué - origine Équateur : couleur sombre et terne, intense amertume et note de jasmin.
Quand à celui en provenance du Venezuela, on a pu observé une régularité dans l'expression des arômes, avec une pointe de fraîcheur. Si les expressions diffèrent nettement pour ces trois dégustations, il ressort un point commun : l'odeur de fécule brûlée

Vous l'aurez compris, l'approche sensorielle vise à activer tous nos sens afin de ressentir et comprendre ce qui ce passe dans notre bouche. 

Fort heureusement, nous n'avons pas tous le même palais et l'expérience de groupe nous a permis de confronter ou conforter nos impressions! 

 ***
Deuxième dégustations :  découverte des "carrés de saveur"
Nous avons poursuivi notre initiation avec des dégustations des produits finis de la maison Criollo. Cinq expérimentations nous auront amenés à affiner la description des émotions, en tenant compte (comme on le ferait pour la dégustation d'un vin), des différentes étapes aromatiques (arôme de tête, de corps et de fin de dégustation).  Au fait, saviez-vous qu'il y a aussi des  grands crus pour le chocolat ?

Et comme il est important de respecter une certaine neutralité dans la découverte, une tasse de thé au jasmin nous est servie entre chaque chocolat. Hum...Du pur plaisir! Il est possible également de couper les effets persistants avec de l'eau ou de la mie de pain.

Après avoir mis en évidence certaines typicités de goût  lors de la dégustation des grués, nous nous essayons à reconnaître les origines sur les produits finis. C'est étonnant d'y parvenir sans formation, juste en laissant les sens nous guider :  vue, ouïe, odorat,  toucher, goût. Tout est sollicité! On appréciera l'aspect de la matière, le bruit du craquant de la plaquette,  l'odeur d'approche, la texture au doigt (fondante, sèche), la longueur en bouche et les variantes de tonalités.


[Crédits Zchocolat]

Carrés de la maison Criollo
 
1. Mangoky Absolu [Criollo Trinitario, origine Madagascar, 100% cacao]
Mon préféré! Saveur très fruitée, arômes de fruits rouges, long en bouche et très onctueux :)


2. Palmira [Criollo, porcelana, origine Venezuela, 68% de cacao]
Équilibré, craquant, un peu sec.


3. Le Gran C [Domaine de Gran Couva, île de Trinidad, 68% de cacao]
Forte montée en cacao dès l'attaque, puis chute vers des arômes fleuris (rose), herbacés et notes d'olives vertes sur la fin.


4. Arriba de Babahoyo [Nacional Arriba, Forastero, origine Équateur, 80% de cacao]
Forte attaque, déroute, puis notes fleurales persistantes et corsées.

5. Africa [Forastero, Trinitario, origine d'Afrique : Ghana et Côte d'Ivoire, 80% de cacao]
Forte amertume, peu de chocolat, notes d'épices chaudes et de noix de coco.

***
Lors de la dégustation, on observe des sensations fondamentales et secondaires.
Chaque pâtissier définit sa propre ligne de sensations en fonction de ses produits.

Voici celles de la grille de dégustation selon le Criollo :

Primaires
Arôme de cacao : intensité en bouche, moment en bouche.
Saveurs : acide, amer, astringent, sucré.
Sensibilité thermique : fraîcheur, chaleur.
Sensibilité : lisse, mou, gras, fondant, moelleux, sec, poudreux, granuleux, croquant, claquant 

Secondaires 
Les florales : fleur d'oranger, jasmin, vanille tahitensis
Les fruitées : rouges (cerise, framboise, cassis, figues) ; jaunes (pêches, abricots, poires) ; exotiques (noix de coco, litchi, mangue, ananas, banane) ; secs (amandes fraîches ou sèches, noisette fraîche, datte, pruneau, raisin sec)
Les épicées : cannelle, girofle, poivrée, réglisse, muscade, vanille bourbon, safran
Cuisson sucrée : miel, biscuit, caramel, fruits secs grillés, fécule brûlée, cafés
Végétaux : tapenade, herbacée, thé vert, sous bois, champignon, tourbe, tabac
Chimique : fumé, carton, alcoolique, fermenté, animal, métallique, cafés brûlés

***

C'est sur ces douces notes que s'est achevé notre après-midi gourmande (presque 3 heures tout de même!) avec l'envie de ne plus manger "bêtement" du chocolat, mais de trouver l'instant propice, de rechercher les accords ô combien difficile avec les vins ou alcool, de déguster du bon chocolat, de comparer et de trouver sa famille de prédilection, comme son terroir viticole.


Tiens, cela me fait penser que j'ai justement une fève de Tonka sous la main (merci Lorraine!). Je ne sais pas comment elle va finir celle-là, mais si quelqu'un a une idée, je suis preneuse! ;-)




Le saviez-vous ?

- Lorsque vous êtes satisfait par un bon chocolat, en général vous n'y revenez pas tant que ça, car un carré aura suffit a vous réconforté avec sa tenue en bouche et arômes persistants sur le final (avis aux dévoreurs-minute de plaquettes!)

- Tout comme le vin, on parle de longueur en bouche pour le chocolat

- Le chocolat blanc ne contient pas de cacao, mais uniquement du beurre de cacao

- La substance qui entoure les graines dans la cabosse se nomme le mucilage

- La cabosse contient en moyenne 30 à 40 graines de cacao 

- Après fermentation, les fèves contiennent encore 55 % à 60 % d'eau

- On appelle "Chocolat de couverture" la matière première utilisées par les chocolatiers,  biscuitiers, confiseurs et pâtissiers. C'est un chocoat de grande qualité contenant au moins 32% de beurre de cacao et de 15 à 42 % de sucre, garantissant une fluidité optimale pour l'enrobage


- Une fermentation trop courte ne permet pas de développer les précurseurs d'arômes et n'abaisse ni l'amertume ni l'astringence
 
- Le meilleur moment pour déguster du chocolat serait le matin au réveil ou en fin de matinée, car nos papilles sont en émoi

Alors qu'attendez-vous ?

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1 commentaire:

Lo a dit…

Coucou !
Oui, j'espère que la fève tonka n'aura pas perdu de sa superbe. Moi je me souviens de réelles explosions des papilles avec une ganache à la tonka dégustée à la Maison du Chocolat à Paris.

Des idées il y en a chez Papilles&Pupilles :
http://www.papillesetpupilles.fr/2006/10/fves-tonka.html

Bises !

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